Mon corps de jeune fille, que je regrettais tant de ne pas être autrement, s’est métamorphosé en un corps de femme. Mes chaires, autrefois si fraiches, insouciantes et plastiques, dénoncent désormais l’évidence de la fragilité à laquelle on ne pense pas en étant jeune. J’ai nommé la gravité terrestre. C’est le genre de choses que l’on prend en pleine face après coup. Mon corps a changé et moi avec.
Je disais donc : j’ai 25 ans et j’ai les seins lourds. Comme ceux de ma mère. On n’échappe pas au cycle naturel des choses.
Je ne m’en plains pas. Je constate juste.
J’ai grandi dans une époque où la finesse des traits, l’élasticité juvénile, et le mythe de l’apparente fragilité féminine sont tout. Moi, j’ai le corps opulent, je ne suis que courbes et renflements. J’ai la peau laiteuse, rosée au niveau des seins et de la bouche, ainsi qu’une constellation de grains de beauté sur certaines parties du corps. J’ai de tout temps eu ces cheveux longs et dorés, ces ongles rongés, ces petites mains. Cette silhouette imposante à la fois forte et délicate. Un corps mûr, griffé de vergetures, naturel. Doux mais fort dans tous les sens du terme. Onctueux. Un corps de femme indépendante. Un corps de mère. Un corps de bonne vivante. Un corps qui jouit de la bonne chair. Qu’y a-t’il de si mal à profiter de la vie ?
Il m’en a fallu du temps pour comprendre qu’il y avait peut-être là de la beauté. Une forme de beauté qui m'est personnelle. Quelle est la vôtre ?
J’ai bientôt 26 ans et mon corps a changé. Et il changera encore.
Il a changé en étant toujours le même. Et je réalise qu’ainsi, je l’aime d’autant plus.